Tu nous racontes qui tu es, et ce que tu fais ?
Je suis Claire Campi, graphiste et directrice artistique spécialisée dans l’industrie de la Parfumerie et des Cosmétiques.
C’est qui ton cœur de cible ? Pour qui tu travailles d’habitude ?
Je travaille pour l’ensemble des acteurs de la Parfumerie, souvent pour des marques de parfums qui se lancent ou qui sont déjà installées, et qui ont besoin de nouveaux supports de communication. Je collabore aussi avec les Maisons de Composition de Parfums. Ce sont les sociétés au sein desquelles travaillent les parfumeur.es pour les marques de Parfumerie et de Cosmétiques.
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ToggleC’est peu courant comme cible ! Comment tu en es venue à ça ?
Au départ, j’ai découvert l’univers de la parfumerie, car j’ai fait mes études à l’École supérieure du Parfum à Paris, une formation en cinq ans qui forme à l’ensemble des métiers du secteur. Je pensais devenir parfumeure. J’aimais l’idée de mixer créativité, sensorialité et sciences. Mais j’ai vite réalisé que le quotidien de parfumeur n’était pas fait pour moi.
Je me suis spécialisée en marketing et en sortant de mes études, j’ai eu la chance de travailler pour une maison de création de Parfums à Singapour qui m’a proposé un poste hybride marketing / graphisme. J’avais une appétence particulière pour ce domaine, je touchais déjà à 2-3 outils graphiques. Quand je suis rentrée en France, j’ai décidé de me lancer à 100 % dans le graphisme et à mon compte.
Dans un premier temps, je me suis formée. Puis mes premiers clients ont été mes anciens professeurs, mes contacts pros rencontrés pendant mes stages et mes camarades d’école. Mon réseau étant déjà bien constitué, je me suis naturellement spécialisée dans le domaine de la Parfumerie et des Cosmétiques.
Comment t’as fini par t’orienter vers un métier créatif comme le graphisme malgré ton intérêt initial pour un domaine plus scientifique ?
J’ai toujours été attirée par le domaine scientifique, et étudier en S pouvait m’ouvrir toutes les portes. Mes parents m’ont encouragée dans cette voie et je ne le regrette pas. Mais je pense que j’ai toujours eu cette créativité en moi, et tout naturellement, j’ai fini par me tourner vers un domaine plus sensoriel et artistique.
J’aurais pu étudier le graphisme dès le départ, mais j’avais très peu de connaissances sur ce domaine à l’époque. Je pensais qu’il fallait forcément du talent pour y rentrer : savoir dessiner, peindre, avoir des notions de perspectives, etc. Je sais aujourd’hui que tout s’apprend. À l’école de Parfumerie, par exemple, j’ai appris à sentir, à décrire des odeurs, des parfums.
Ça m’a prouvé qu’on peut toujours apprendre et se développer, même dans des domaines dans lesquels on ne se sent pas forcément doué·e.
Comment t’as fait pour exprimer ta créativité, de tes débuts à aujourd’hui ?
Depuis toute petite, la créativité a toujours occupé une place importante dans ma vie. J’ai été élevée dans une famille où tout le monde bricolait, cuisinait ou inventait quelque chose. C’est cette ambiance familiale qui, je pense, m’a profondément influencée. J’étais aussi une petite fille avec beaucoup d’imagination et très sensible au monde qui m’entourait.
Aujourd’hui, la créativité n’est pas seulement le cœur de mon métier, elle imprègne toute ma vie. Chaque jour est une nouvelle occasion de concevoir, d’innover. Et même si ça me demande beaucoup d’énergie, je ne pourrais pas envisager ma vie autrement. Mon esprit est constamment en ébullition. Je suis toujours à la recherche de ma prochaine idée.
Qu’est-ce que tu crées pour tes clients ?
Je crée principalement des identités visuelles. C’est ce qui permet à une entité (une marque, une maison de création, un indépendant) d’exprimer ses valeurs et aspirations à travers un ensemble d’éléments graphiques.
Je crée d’abord leur logo. C’est l’élément central de l’identité visuelle, et autour duquel je détermine et crée un système d’éléments graphiques : les polices, la palette colorimétrique, les motifs, les compositions, etc. Ce système donnera plus de poids à l’entité qui sera identifiable plus facilement et plus rapidement par sa cible.
J’ai aussi beaucoup de missions 1OO % graphiques qui me permettent d’établir une bonne balance dans mon quotidien. Si je ne travaille que sur des projets très créatifs, ça peut me fatiguer mentalement, ça me prend beaucoup d’énergie.
Quel est ton processus de création ?
Je puise mes premières inspirations dans mes briefs clients. Chaque client peut être à différents niveaux d’avancement de son projet. Certains ont déjà une stratégie de marque bien définie, c’est parfait. Ils connaissent leur direction, leur positionnement sur le marché, le ton à adopter, et ont posé leurs valeurs. Pour les autres, moins sûrs de leur vision, je les accompagne dans la définition de l’essence de leur marque.
Le brief est essentiel, car il fournit des mots-clés et oriente la création selon des formes, couleurs et émotions. S’ensuit une recherche approfondie sur les styles, les époques, et la signification de certains concepts / symboles pour les transcrire visuellement. Je fais également une étude de la concurrence.
Une fois inspirée, je m’accorde quelques jours pour mûrir les idées. Je développe ensuite trois propositions distinctes, pour permettre au client de choisir celle à affiner. Après ça, je décline l’identité visuelle sur l’ensemble des supports de communication de la marque. Dernière étape : je crée une charte graphique pour assurer la cohérence du projet dans le temps.
On retrouve bien ton côté marketing dans l’analyse de la concurrence.
Oui ! L’inspiration peut venir de partout. Mais c’est important de regarder ce qui se passe sur le marché. J’ai aussi cette expertise globale de la Parfumerie et des Cosmétiques, qui me sert beaucoup au quotidien. Je suis capable de conseiller mes clients avec une vue d’ensemble sur un marché et une industrie dont je connais la structure. Cette expertise me permet également de comprendre le brief client dans son ensemble, de l’olfactif jusqu’au positionnement. Et les notes olfactives du/des parfums influencent forcément mes créations graphiques. Le parfum est un ensemble multisensoriel, il faut que le « mix produit » soit cohérent. Pour décrire un parfum de manière olfactive, on emploie des termes qui font référence à des couleurs, des formes, des sensations, etc.
Justement : c’est quoi l’importance de la valeur texte dans ton travail ?
Elle est très centrale, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Un client me briefe essentiellement avec des mots. Parfois, il ne sait pas forcément retranscrire ses idées en images. Donc, à moi d’analyser ses termes pour lui proposer des idées visuelles.
Si je ne passe pas par cette étape de recherche sémantique, je risque de faire quelque chose de beau uniquement, mais qui n’a pas réellement de sens. Pourtant, les marques, ou différents acteurs pour lesquels je travaille, ont besoin d’avoir une identité visuelle compréhensible, cohérente, et qui reflètent leurs valeurs, leur positionnement, etc.
Tu avais d’ailleurs mis en place une newsletter particulière : la no.news. Que des images, pas de mots. Pourquoi ce parti pris ?
Le but était de créer une newsletter que les gens auront enfin envie de consulter, une newsletter non pas à lire, mais à regarder et qui se consulte en une vingtaine de secondes max. J’avais envie de créer quelque chose qui soit surtout « inspirationnel », qui suscite l’imagination et la créativité.
Mon point de départ est un mot pour lequel je propose plusieurs définitions écrites, car celui-ci comporte souvent plusieurs sens. Le reste est une succession de 10 images que je source à travers mes différentes recherches au quotidien pour mes projets graphiques et que j’enregistre pour plus tard. Il s’agit généralement d’images d’artistes que je suis et qui m’inspirent. Chaque image renvoie bien-sûr à la création de l’artiste en question. Ce que je trouve intéressant, c’est que je donne ma vision du mot à travers 10 images, ce qui peut parfois questionner, mais que je laisse aussi la liberté à chacun d’interpréter le contenu comme il le souhaite.
J’ai une dernière question : ça t’évoque quoi, l’entrepreneuriat ?
Pour moi, l’entrepreneuriat, c’est la liberté, même si ça sonne un peu cliché. Être à mon compte me permet de choisir mes projets, mes clients, mon lieu de travail et mes horaires, ce qui est essentiel pour moi. Je ne suis pas faite pour les 9 à 5, parce que je suis plus productive en fin de journée. Bien sûr, il y a des défis, comme l’absence de remplacement pendant mes vacances. Mais l’avantage de travailler sur ce que j’aime et quand je le souhaite l’emporte largement. J’ai aussi testé le salariat, mais je dirais que les avantages du freelancing me conviennent mieux.
Ce statut, mais surtout ce métier m’obligent aussi à rester à l’affut des nouvelles technologies et en formation constante, ce que j’adore. Je me suis par exemple plongée dans l’apprentissage de l’intelligence artificielle générative récemment et je commence mes premières missions à ce sujet.
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